Presque deux ans après la mort de Patrice Chéreau, Marc Citti ancien élève de l’Ecole des Amandiers livre un récit poignant de leurs aventures communes, récit où transpire une admiration inconditionnée pour un homme qui a marqué de son empreinte toute une génération de comédiens aujourd’hui orpheline. Edité chez Actes Sud papiers, « Les enfants de Chéreau » est actuellement en librairie, notre coup de cœur littéraire du moment  !
« La chance m’avait souri. J’étais à présent dans la maison de Chéreau, de Pierre Romans, de Koltès, de Piccoli, de Philippe Léotard, de Peter Sellars, de Jean Genêt, j’étais chez les modernes, les fiévreux, les princes. »

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Deux années de cette seconde promotion de l’école des Amandiers. Deux années au contact du maître Chéreau, de Pierre Romans, de nombreux et illustres camarades de formation Agnès Jaoui, Vincent Pérez, Marianne Denicourt et tant d’autres. Deux années qui marquent un comédien, qui marquent un homme, assurément. Trente ans plus tard, Marc Citti évoque cette période fiévreuse de sa vie, tout jeune acteur qu’il est alors, il absorbe autant qu’il peut toute l’énergie que ce compagnonnage aura à lui offrir. Et quelle matière infinie, source intarissable d’émotions en tous genre, travailler au sein de cette école semble avoir été une aventure inoubliable. Avec beaucoup d’humilité l’auteur nous livre ici ses souvenirs drôles, amers, attristés, vrais enfin. Incontestablement Marc Citti est doté d’une belle plume, nous l’avions déjà plébiscité pour son spectacle « Le temps des Suricates » mais ce récit chargé du trouble du réel et de la stupeur de la perte brutale de Patrice Chéreau, se dévore de bout en bout constituant un témoignage vibrant.
 » Patrice ne mange pas, il dévore. patrice ne nous embrasse pas, il nous étreint puissamment, avec force et brièveté. patrice accomplit tout vite, passionnément, dans une course incessante contre l’ennui, la médiocrité, la mort. Il déteste la nostalgie, lui préférant la mélancolie active, le désespoir furieux là où, même dans la détresse, les forces vitales viennent se nicher. Patrice n’a jamais de fous rires, il éclate parfois d’un rire court et sonore, puis passe à autre choses, à une autre aventure, à un autre instant plein. « 
Au delà de l’hommage posthume d’un apprenti à un maître, Marc Citti nous offre un aperçu enthousiasmant du travail en plateau avec Patrice Chéreau et Pierre Romans. Il découvre avec eux le travail à la table mais aussi les formidables directeurs d’acteurs qu’ils furent tous deux, comment chacun à leur manière ils faisaient corps avec le comédien l’accompagnant dans la recherche de la vérité. c’est aussi le récit d’un jeune chien fou qui s’assagit, un jeune homme qui grandit, qui apprend le métier parfois avec rudesse. Pour exemple l’accueil critique mitigé du film « Hôtel de France » ou les répétitions avec Luc Bondy pour « Le conte d’hiver », expériences qui confrontent Marc Citti pour la première fois de sa jeune carrière aux difficultés de la profession.  Lettre d’amour destinée à une école à penser, histoires d’acteurs, témoignage brûlant, héritage précieux. Patrice Chéreau, Pierre Romans et les autres sont dorénavant réunis dans les belles pages de Marc Citti, tout habillés par l’amour et la bienveillance du souvenir.
« Pour tout dire, la question de la pédagogie ne le passionne guère. Il semble penser que jouer ne s’apprend pas. (…) Jamais notre travail ne sera théorisé, nous serons de surcroit sans cesse mis activement à contribution dans les explorations des textes ou des scénarios qui nous seront proposés, souvent sommés d’apporter nos propres réponses aux problématiques de nos personnages comme il s’agira de le faire plus tard, lorsque nous aurons à exercer notre métier d’acteur. »
Audrey Jean
« Les enfants de Chéreau » de Marc Citti
ISBN 978 2330 052454
15€
Actes Sud papiers

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