Goran Stefanovski, auteur macédonien à qui l’on doit notamment le brillant « Démon de Debarmaalo », rend un hommage vibrant à l’un de ses compatriotes et modèles Vojdan Černodrinski. Dans ce livre “Černodrinski revient à la maison” paru aux éditions l’espace d’un instant il dresse un portrait fragmenté du célèbre dramaturge au travers de courtes scènes ubuesques. 
 
images
« La liaison : Vous êtes Černodrinski ? 
Belodrinski se met à pleurer 
Belodrinski : Oh ! Non, non, non ! 
La liaison : Qu’est-ce qui vous prend ? 
Belodrinski : Ce nom ! On n’entend que ce nom ! Cela devient insupportable. Je n’ai pas de commandes depuis trois mois. Je dois payer mon loyer, mon chauffage, mes sous-vêtements. Savez-vous quel est le prix de la soie ? Ne prononcez plus ce nom ! Partout où je vais, on meconfond avec la concurrence. Černodrinski écrit des tragédies et moi des comédies. Je suis Belodrinski. »
 
Considéré comme l’un des plus prolifiques fondateurs du théâtre macédonien Vojdan Černodrinski a marqué les esprits dans son pays et a certainement provoqué bon nombre de vocations. C’est par le biais d’une forme totalement libre que Goran Stefanovski choisit d’évoquer Černodrinski mais aussi la façon avec laquelle il a laissé une empreinte sur l’inconscient collectif macédonien. Avec l’utilisation d’une structure originale où le personnage principal est absent il dessine en pointillés autant d’instants possibles liés de près ou de loin à l’œuvre du dramaturge. Il cherche ainsi a définir la notion de traces laissées par l’œuvre d’un auteur, mettant en lumière la place étrange et surréaliste que certains peuvent prendre dans nos vies. Černodrinski était de ceux-là et Stefanovski invente de toutes pièces autant de situations drolatiques dans laquelle il aurait pu avoir une influence aussi absurde soit-elle. Par exemple il devient dans la scène 3 l’alibi d’un couple d’amants pris en flagrant délit, dans la scène 6 ce sont des membres de sa famille que l’on rencontre, ou encore en scène 1 il est le sujet d’un devoir scolaire. La pièce forme ainsi des cercles concentriques autour d’une idée de Černodrinski, l’évoquant de manière sensible et drôle, et nous donnant particulièrement envie d’en découvrir un peu plus. 
 
Audrey Jean 
 
« Černodrinski revient à la maison » de Goran Stefanovski 
Traduit du macédonien par Maria Béjanovska 
 
ISBN 978 2 915037 79 1
15 €
 
éditions l’espace d’un instant 
Maison d’Europe et d’Orient 
3 passage Hennel 
75012 Paris 

 

Share This