Après « Georges Kaplan » en 2013 Frederic Sonntag prolonge sa trilogie autour de personnages fantomatiques et enquête cette fois sur le parcours sinueux et non moins mystérieux de Benjamin Walter. Croisant l’itinéraire d’un écrivain imaginaire et les affres de la création d’un spectacle documentaire, il signe une oeuvre hybride, palpitante et simplement géniale. Un texte passionnant, profondément amoureux de l’Europe, du théâtre, de tout ce qui peut faire lien entre les âmes, un manifeste engagé pour nous exhorter à nous perdre toujours plus loin sur les chemins de la pensée.

« Frédéric(1) : Je suis devant le n 23 rue Coelho Da Rocha, et je me suis  arrêté, et j’attends. Je ne sais pas exactement ce que j’attends. Pourquoi j’attends. Celui que je cherche depuis plusieurs mois est là, à quelques mètres, et je me suis arrêté pour savourer cet instant où, peut-être, parce que cet instant me fait peur, parce que cet instant signe l’arrêt de mon périple, périple dont j’ai – ô combien de fois – désiré ardemment la fin mais auquel je redoute à présent de mettre un terme (la peur de ce qui va suivre, l’aventure terminée, la peur du vide -devant moi- à venir). Je suis à Lisbonne. J’ai parcouru 7923 kilomètres depuis mon départ d’Helsinki, où mon périple a commencé il y a de cela plusieurs mois … »

Programmé notamment au Théâtre de la Cité Internationale en 2015, ce texte de Frédéric Sonntag se dévore comme un thriller, le lecteur est en effet immédiatement happé par cette intrigue à tiroirs, ce jeu de piste fascinant et rocambolesque. Il y est question de partir à la recherche d’un certain Benjamin Walter, d’assembler des indices, de retrouver sa trace, mais aussi en parallèle de suivre la quête initiatique du créateur, de l’auteur, de vivre avec lui et son équipe les états d’âmes traversés par les comédiens au fur et à mesure de l’avancée du processus créatif. Tout s’emboîte ici à la perfection, dans un crescendo dramatique particulièrement bien soutenu, avec un humour et une justesse qui font mouche systématiquement et qui entraînent le lecteur avec force dans une spirale vivifiante. C’est un road-movie de la culture, une enquête arty et jubilatoire, une oeuvre de théâtre total. Un texte à avoir sans faute dans sa bibliothèque, un voyage littéraire à entamer d’urgence.

Audrey Jean

« Benjamin Walter » de Frederic Sonntag

ISBN 978 2 84260738 8

18€

Éditions Théâtrales 

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