Roland Jean Fichet livre un texte fort particulièrement audacieux sur la forme et le sujet traité. En résonance cruelle avec l’actualité « Qu’elle ne meure » plonge le lecteur dans l’horreur de la lapidation au terme d’un enchevêtrement vertigineux de plusieurs axes. Une véritable expérience de lecture, labyrinthe de sensations et abîme sans fond, qui interroge l’humain sur le monde qui l’entoure.

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« Une. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept …De leurs mains, de leurs corps partent les pierres. Chaos des corps qui jettent des pierres vers ton visage. La femme au visage nu fixe le soleil, perd la vue. Des pierres crèvent ses yeux. Pluie de pierres sur ton visage, femme. Le sang est rouge. On le sait. On l’oublie. Le sang est rouge. »

Trois plans qui s’articulent, trois regards tournés vers le monde. Un village au Mali terrain d’une lapidation pour adultère, un plateau de théâtre lieu de l’interprétation de cette lapidation et le monde, terre d’enjeux qui nous dépassent. Au carrefour de ces plans la violence dans ce qu’elle a de plus cru. Des hommes face à des femmes, des pierres lancées et des vies ravagées. Roland Jean Fichet avec cette forme abstractive convoque les mots et provoque le malaise. Au fil d’une dramaturgie complexe il emboite les scènes et les axes entre eux, confondant fiction et réalité, et permet ainsi une distanciation indispensable pour évoquer l’indicible. Pourtant les images de cette lapidation se fixent, insupportables de réalisme bien que relayées par le filtre des acteurs de théâtre laissant le lecteur nauséeux, vidé. Un texte qui émeut, agace, interpelle, angoisse, bouleverse, tout à la fois, tout en même temps. Eprouvant comme son sujet, vertigineux comme sa forme.

Audrey Jean

« Qu’elle ne meure » de Roland Jean Fichet

ISBN 978 2842 60 6800
9,90€

Les éditions Théâtrales

Une création de ce texte aura lieu du 5 au 9 Mai au TNB dans une mise en scène de Gildas Milin 

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