C’est dans un cadre « hors les murs » que Fanny Gayard nous propose cette pièce basée sur Anarchie en Bavière de Rainer Werner Fassbinder (1969). L’anarchie règne en maître dans cette pièce où les personnages sont déboussolés par un changement soudain d’autorité.

Dès le début, la pièce invite le spectateur à s’immiscer au sein de la société propre à la région de la Bavière, embrassant ainsi les sociétés des hommes de manière universelle. Sur un ton humoristique et narquois, la Bavière est dépeinte comme un lieu à part, différent, libéré des fardeaux hiérarchiques. L’arrêt brutal d’un chant religieux dès les premiers pas sur scène et la radicalité des propos transportent nos consciences vers une société qui se transforme et dont certains y imposent l’anarchie. Brutalisés et questionnés au plus profond d’eux-mêmes, les hommes sondent le peuple : mais qu’est-ce qu’une anarchie ? Littéralement, état de désordre dû à l’absence d’autorité politique. Désordre, confusion et même folie prennent désormais racine dans cette pièce où la scénographie se contente de pas grand chose. Un espace dénué de décor et bien exploité par les comédiens qui prennent le public à partie. « Déjà c’est beau », l’homme se contente d’un espace de liberté, contemplatif.

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Supprimer l’argent, le mariage, les prisons. Autoriser le flux des personnes, le libre accès aux universités et aux hôpitaux. Qu’est-ce que la liberté ? Qu’est-ce qu’un crime ? La peine de mort est-elle juste ? De grands sujets sont abordés dans cette remise en question de l’ordre établi.
« La mort, ça coûte la vie ! », lance avec ironie un des comédiens. Le criminel est vu comme un héros, le héros est quelqu’un qui se transforme, une fiction sociale. L’énergie déployée par les acteurs pour faire entendre leurs points de vue est d’une grande force. C’est dans la peau d’une prostituée que le constat se révèle le plus douloureux : le succès amène l’argent et l’argent la liberté. Si tout est gratuit fini la liberté.
Dans un élan d’espoir, on se laisse à rêver d’un monde meilleur auprès d’eux, pourtant le vice anarchique propre à l’humain dans certaines situations refait surface.

En seulement soixante minutes, le manifeste est proclamé et les mots ont un impact violent, la société est en plein vertige face à l’avènement de l’anarchie, des paroles de visionnaires à la clé, la jeune compagnie Sans la nommer tire une sonnette d’alarme : « Qui nous aimera maintenant que nous n’avons plus qu’à donner de nous-mêmes ».

Coline Rouge
Déjà c’est beau Compagnie Sans la nommer
Basée sur Anarchie en Bavière de Rainer Werner Fassbinder
(Éditions de L’Arche)
Mise en scène de Fanny Gayard

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