Pour sa quatrième édition, le Festival de l’Astre s’est attaqué à un sujet globalement fédérateur et profondément d’actualité si l’on en croit les rebondissements de notre élection présidentielle à venir, l’argent. Vaste thématique donc pour les différents auteurs contemporains invités à participer à cette édition, une thématique évidemment fort inspirante au regard de la richesse de la programmation de ce festival atypique !

S’étalant sur trois journées le Festival de l’Astre donne avant tout l’occasion de découvrir des auteurs éclectiques et profondément modernes, entre autres ici Emmanuel Darley, Alexandra Badea ou encore Eric Reinhardt. Cette année encore ils étaient au rendez-vous en nombre, permettant à l’issue de plusieurs représentations des rencontres enrichissantes avec le public. Lectures, performances, spectacles, tout en un week-end, tout était mis en oeuvre pour proposer une offre bigarrée et de qualité. Rares sont les événements populaires et exigeants qui produisent des échanges aussi variés et intellectuellement stimulants, c’est pourquoi nous revenons avec plaisir sur quelques-unes de ces petites pépites dénichées dans le programme du Festival de l’Astre.

Théâtre : Les Lacets

Une mère explique avec froideur à sa fille pourquoi elle la frappe régulièrement, justifiant son geste abject par le fait qu’il est si dur pour elle de l’entretenir financièrement. La compagnie de l’Astre s’empare ici d’une forme courte et particulièrement anxiogène sous la plume incisive d’Adeline Picault. La violence sourde qui s’établit dès les premiers instants de la pièce saisit en effet le spectateur pour ne plus jamais le lâcher. S’engage alors un duel de mots, une bataille acerbe, un jeu cruel de domination pour que la mère puisse une nouvelle fois avoir l’ascendant sur sa fille tétanisée. Sans jamais montrer de manière didactique cette violence, William Astre parvient dans sa mise en scène à installer véritablement un climat pesant et malaisant par la direction au cordeau de ses deux actrices remarquables Veronique Lechat et Nadine Malo, mais aussi grâce a la scénographie d’une efficacité redoutable malgré les petits moyens du festival.
A noter qu’une autre pièce de la même auteure était également présentée en lecture, permettant au public d’assister à un tout autre genre,  « Les rois du rien » s’inscrivant plutôt dans un registre décalé et drolatique.

Performance : Une cartographie corporelle par la Compagnie Hors-piste

Issue d’un travail de collaboration et d’écriture avec des lycéens cette performance était une occasion formidable de donner la parole à certains de ces jeunes, notamment ceux provenant d’ailleurs et actuellement en apprentissage du français. Une démarche artistique ancrée sur le territoire mettant en parallèle les différents parcours de vie dans un monde globalisé et déshumanisé, donnant à voir beaucoup d’émotions de la part des interprètes. Un bien joli moment !

Théâtre : Moleskine

Ici le Festival réussit particulièrement sa mission, mettant en lumière un auteur absolument passionnant Enzo Cormann. Le texte « Moleskine » mis en scène par William Astre est une plongée acide et sans concession dans l’univers de la peinture, une confrontation de points de vue entre un peintre et sa galeriste autour de la valeur à donner à ses tableaux. La représentation théâtrale a été ponctuée par une interview vidéo de l’auteur, une mise en perspective fascinante qui donne à voir le rapport complexe de l’humain à la valeur argent, notamment dans le milieu artistique. On retrouve la formidable actrice Nadine Malo accompagnée d’André Antébi pour une pièce courte mais redoutable et jubilatoire.

Vous l’aurez compris, il y avait beaucoup de belles choses à découvrir au gré de cette 4ème édition, des textes puissants, des auteurs engagés, des propositions théâtrales abouties et innovantes. Saluons également les interprétations de la compagnie Quelles que soient les circonstances. En guise d’intermèdes entre les représentations, cette compagnie proposait en effet en fil rouge des petites formes jubilatoires poétiques. Ces instants de réunions du public dans le hall font intégralement partie de l’essence de ce festival, un moment de partage et d’échange en toute simplicité,  illustrant à la perfection toute la diversité et l’originalité des propositions. Un rendez-vous annuel à suivre donc, longue vie à ce festival qui porte bien haut l’engagement des artistes.

Audrey Jean

Festival de l’Astre du 24 au 26 Mars 2017

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