Elie Salleron était doublement présent dans la programmation du Festival Traits-d’union. Tout d’abord il interprétait avec brio Alceste dans la création de la compagnie La première bande dont nous avons déjà salué le travail ici, mais il proposait également la reprise d’un spectacle pour le moins original « Inconcevable silhouette du nouveau futur qui tue ». Le jury presse du festival dont Théâtres.com fait partie a tenu à saluer la force de proposition de ce comédien aux multiples casquettes. Retour sur ce pamphlet hybride et féroce.

 
« Eric : Si vous êtes là ce soir c’est parce que n’avez pas saisi complètement les moyens dialectiques de désialénation qu’on se borne pourtant, depuis plus de cinquante ans, à vous inculquer.
Louka : En d’autres termes vous êtes… Comment…
Eric : Faibles.
Louka : D’esprit faible
Eric : Et toute cette faiblesse devient la force de l’oppression.
Louka : Alors on va devoir vous tuer.”

Avec cette création atypique la compagnie Rascar Capac met en scène deux clowns modernes, un peu benêts ou génies purs chacun se fera son idée, des personnages entiers et désarmants d’honnêteté, qui s’engagent sur le plateau à révolutionner le monde et plus particulièrement le domaine de la culture, son élitisme, son dogme et surtout l’hypocrisie que les postures en tous genres génèrent. Dans la première partie le spectacle se distingue par un grand sens du timing et de la rythmique, les silences et les petits commentaires sont savamment dosés dans une maîtrise du genre aussi bien sur le registre corporel que sur le plan du texte. Incontestablement Elie Salleron a un univers bien à lui, original et inventif, drôle et profond qui surprend autant qu’il nous fait sourire. Sur le plateau le duo formé avec son compère Lucas Hénaff est parfaitement bien rodé, le tandem fait preuve d’une complicité touchante et enchaîne avec maestria les grandes considérations métaphysiques comme les absurdités drolatiques. Quelques regrets cependant le dispositif  s’essouffle sur la deuxième partie, la thématique s’épuise un peu, se répète et l’on perd l’énergie sur la longueur. Le spectacle gagnerait presque en force s’il se terminait sur ce coup d’éclat magistral, à savoir le monologue titanesque de Lila Redouane. Le texte s’y fait sinueux, plus trouble il nous saisit là où on ne s’attendait pas, la comédienne balade son auditoire et livre une performance sidérante. Malgré ces réticences liées principalement à la dramaturgie de l’ensemble cette création restera incontestablement un de nos coups de coeur du festival Traits-d’union, la proposition étant atypique, totalement assumée, complexe à tous les niveaux. La silhouette du nouveau futur qui tue est certes inconcevable mais on la devine attractive, séduisante, elle nous interroge et nous appelle de ses vœux, pour peu que l’on accepte de céder à la douce folie de ses créateurs.

Audrey Jean  

« Inconcevable silhouette du nouveau futur qui tue »
Compagnie Rascar Capac

Écriture et mise en scène Elie Salleron

Avec Elie Salleron, Lucas Hénaff et Lila Redouane

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