Découvrir ou redécouvrir Huis clos dans la salle du Paradis au Lucernaire ne tient pas d’une gageure. Cette œuvre immense est jouée avec beaucoup d’à-propos par des comédiens cosmopolites apportant au texte même une richesse de ton qui renforce l’étrangeté de la pièce. L’esthétique de cette œuvre est soulignée par une dimension sonore étonnante propre à accentuer le caractère oppressant de ce huis clos. La pensée sartrienne revisitée sur ce mode original pose en toile de fond  la problématique des relations humaines avec une belle réussite.

 

L’univers sartrien de ce confinement se traduit par une belle mise en scène de Vladimir Steyaert qui met aux prises trois êtres qui n’ont rien en commun (un homme et deux femmes) qui se déchirent, se détestent et tentent de s’apprivoiser. Ces relations s’entrechoquent avec violence. Le pouvoir sur l’autre, à travers le sexe, la lâcheté et l’ignominie devient un enjeu essentiel de ses protagonistes en enfer.

 

Ils revisitent leur vie en écoutant et découvrant des flashs issus du monde des vivants. Ont-ils laissé une trace ? Sartre aborde des thèmes classiques en traitant des relations humaines. Cette pièce écrite à la suite de son emprisonnement en Allemagne lui permet d’évoquer les rapports de domination des individus entre eux ainsi que leur pouvoir de nuisance. L’autre devient notre enfer. « Pas besoin de gril puisque l’enfer, c’est les autres ! » La domination par le sexe ou par la manipulation. Tout est évoqué et vécu.

 

La mise en scène audacieuse qui joint la violence des mots et des actes étreint le spectateur dans ce huis clos irrespirable. La chaleur de l’enfer est là palpable. Les actes sexuels sont inutiles et ils ne sont que des leurres. Leur présence sert de justification à la vacuité de ce temps infini qu’ils partagent ensemble. Tout existe et rien n’existe car ils sont en l’enfer. Le propos de cette pièce va plus loin puisqu’en prenant pour porte-paroles des comédiens de différentes nationalités, Vladimir Steyaert prolonge le débat en exhortant les spectateurs à respecter l’autre, l’étranger. Le thème récurrent et humaniste de vivre ensemble constitue à lui seul un défi.

 

La musique issue du répertoire du Groupe AC/DC souligne les moments de désespoir. Cette formule musicale assourdissante et inédite procure à la pièce une note originale. La scénographie réduite à trois canapés (un par personne) et des luminaires témoignent d’un confort paradoxal pour les personnages en enfer.

 

Les comédiens jouent avec une vraie sincérité un texte qui est loin d’être aisé. Le public ressent les transes de ces personnages et vivent leurs angoisses proches du désespoir. Cette mise en scène réussie apporte à l’ensemble une adaptation aboutie et pleinement maitrisée.

 

Laurent Schteiner

 

Huis Clos de Jean-Paul Sartre

 

Mise en scène de Vladimir Steyaert

Avec en alternance Roger Atikpo, Ursa Raukar, Adela Miane, Jérome Veyhl, Larissa Cholomova et Antoine Sastre

Lucernaire

53 rue ND des champs

75006 Paris

Resa : 01 45 44 57 34

www.lucernaire.fr

du mardi au samedi à 21h00

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