La vieille de Daniil Harms, écrite en 1939,  est mise à l’honneur au Théâtre de l’Opprimé par La Nouvelle Fabrique. En résidence pendant tout le mois de janvier dans ce théâtre, cette compagnie théâtrale très prolifique nous propose quelques pépites. Il en est ainsi de la Vieille, récit musical à la fois drôle et original. Se démarquant des histoires traditionnellement contées, cette œuvre revêt un cachet particulier en alliant la musique à des arrangements sonores réalisés par un bruiteur. Cette nouvelle russe mise en partition par Colin Rey nous plonge avec délice dans une œuvre inclassable nous rappelant les univers de Kafka et d’Ionesco.

Cette histoire incroyable dépeint la rencontre incongrue d’un homme et d’une vieille femme tenant une pendule sans aiguilles. Plus tard, il la retrouvera, assise, dans un fauteuil de son appartement en train d’exhaler son dernier soupir. Son obsession de s’en débarrasser à tout prix le conduira dans une course effrénée dans les rues de Saint Petersbourg. Comment se débarrasser d’un cadavre qu’on n’a pas tué ?

 

Installés dans l’antichambre du Théâtre de l’Opprimé, les comédiens entretiennent avec le public une proximité et une complicité, cassant ainsi le fameux quatrième mur. Trois comédiens nous font vivre cette nouvelle russe dans un rythme tel que les spectateurs sont plongés d’emblée dans cette aventure.

 

La présence originale d’un bruiteur, Colin Rey, assis à une table, nous permet de découvrir la création des sons qui ponctuent et accompagnent le récit du narrateur. Ces bruitages sont déconcertants de simplicité et s’avèrent redoutablement efficace. Mais Colin Rey assure également les personnages qui peuplent cette nouvelle entre deux bruitages.

 

Marie-Cécile Ouakil accompagne au piano le narrateur Thomas Fitterer. Elle donne aussi la réplique au récitant, notamment sous les traits de la vieille et d’autres personnages qui fourmillent dans cette nouvelle. Déjà aperçu avec bonheur dans le numéro d’équilibre, Marie-Cécile Ouakil nous gratifie ici d’une nouvelle qualité à mettre à son actif, à savoir interpréter plusieurs personnages en jouant au piano ! Sa mise en musique éclectique, aux accents de Mozart, de Schumann ou encore de Joplin, pour ne citer que ceux-là, confère à l’ensemble de ce récit musical une unité qui ne se départit pas jusqu’à la fin.

 

Thomas Fitterer, pour sa part, ne se contente pas de nous raconter cette nouvelle, il la vit et nous la fait partager. Hanté par une pianiste et un bruiteur fantasque, il découvre un monde composé de personnages inquiétants et étranges. Le public sourit, rit et se retrouve le plus souvent bluffé par l’originalité du spectacle qui est distillée par ces trois comédiens. Cette proximité avec le public déjà évoqué lui permet d’aller à la rencontre des spectateurs. Ceux-ci deviennent alors des personnages de son récit. Thomas Fitterer, également vu dans le Numéro d’équilibre, nous montre une facette nouvelle de son talent à travers cette création de Colin Rey.

On ne peut que saluer le choix judicieux du Théâtre de l’Opprimé de reconduire cette année encore cette compagnie bourrée de talents et de nous offrir ainsi des spectacles de qualité !

 

Laurent Schteiner

 

La vieille de Daniil Harms

Mise en scène de Colin Rey

Avec Thomas Fitterer (Narrateur), Marie-Cécile Ouakil (pianiste) et Colin Rey (bruitages)

Scénographie : Estelle Gautier
Son : Thibaut Champagne

 

Théâtre de l’Opprimé
8 rue du Charolais
7
5012 Paris

Résa : 01 43 40 44 44
Du 3 janvier au 11 janvier 2012
www.theatredelopprime.com

 

La Nouvelle Fabrique
38 avenue Jean Jaurès
69007 Lyon

http://Lanouvellefabrique.free.fr

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