L’Arche éditeur met une nouvelle fois en lumière l’auteur suisse Friedrich Dürrenmatt avec une réédition de sa comédie « Les Physiciens ». Une farce apocalyptique articulée autour d’un sombre triple meurtre dans un asile de fous, plongée névrotique dans un univers absurde et burlesque.

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Möbius un physicien est enfermé dans un asile en compagnie de deux autres aliénés qui se prennent respectivement pour Newton et Einstein, chacun des trois a en prime assassiné une infirmière. En réalité Möbius a fait des découvertes scientifiques capitales et se fait passer pour fou afin d’empêcher les hommes de se détruire entre eux avec le fruit de ses recherches. Qui est vraiment fou ? Qui ne l’est pas ? Dans les couloirs de l’asile « Les Cerisiers » le commissaire tente désespérément d’y voir plus clair.

« Newton : Je ne supporte pas le désordre. Au fond, je ne suis devenu physicien que par amour de l’ordre.(Il redresse la lampe) Pour pouvoir ramener le désordre apparent qui règne dans la nature à un ordre supérieur. (Il allume une cigarette) Cela vous dérange si je fume ?
L’inspecteur : (Joyeux) Au contraire, je… ( Il veut sortir un cigare de son étui)
Newton : Pardonnez-moi, mais puisque nous parlions justement d’ordre : ici, seuls les patents sont autorisés à fumer, pas les visiteurs. Sinon le salon serait tout de suite empesté. » 

C’est un puzzle invraisemblable, un jeu de pistes complexe que Dürrenmatt nous propose avec ce texte. Au terme d’une histoire rocambolesque le lecteur rencontre des personnages de plus en plus loufoques . La version proposée par l’Arche dans une traduction de Cécile Delettres se trouve cependant être, aux dires de l’auteur lui-même, plus littéraire. Dürrenmatt est coutumier des didascalies extrêmement précises, mais « Les Physiciens » avec son intrigue à tiroirs jouit effectivement d’un niveau d’écriture plus élevé ce qui n’enlève rien au comique de la situation. Le casse-tête identitaire des trois personnages principaux maintient le lecteur en haleine de bout en bout et l’on s’emmêle allègrement les pinceaux à tenter de deviner qui est vraiment qui. Malgré la truculence de la farce l’auteur n’en oublie pourtant pas d’interroger la place de la science dans la société, mettant le doigt sur la responsabilité des intellectuels par rapport à leurs découvertes. Un texte fin et trépidant à découvrir chez l’Arche éditeur !

Audrey Jean

« Les Physiciens » de Friedrich Dürrenmatt

ISBN 978 2851 818386
12€

l’Arche éditeur

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