Le festival Mises en capsules bat son plein en ce moment au récemment rebaptisé Théâtre Lepic. Rappelons pour les néophytes le principe de cet événement haut en couleurs, chaque soir au sommet de la butte Montmartre vous aurez l’occasion de découvrir cinq créations originales, des petites formes de 30 minutes portées par des équipes toute aussi diverses et variées. Un concentré de créativité qui en est déjà, soulignons-le, à sa 13ème édition ! Retour sur les spectacles qui nous ont particulièrement séduits. 

Le coeur à l’effort
C’est une capsule délicate qui tranche largement avec le rythme effréné du festival. Fatima N’Doye signe en effet une narration mélancolique et émouvante autour de l’introspection d’une femme à la suite d’une énième rupture. Pour cette femme c’est l’occasion de se plonger dans le passé, de réaliser un inventaire poétique de moments importants, ceux qui façonnent celle que l’on devient au fil des écorchures, des instants de vie partagés ou fantasmés où l’on rencontre sous le même visage le père qui a manqué et les amants qui ont compté. La mise en scène est toute aussi éthérée créant un langage hors du temps qui passe, un langage qui circule librement entre les mots et les corps, entre la parole et la danse. Le duo d’acteurs composé de Fatima N’Doye et Nicolas Wanczycki s’approprie cette partition avec beaucoup de sensibilité pour un résultat très convaincant. 

 

Lorsque Françoise paraît 
Voilà une capsule particulièrement aboutie et drolatique qui rend un bel hommage à Françoise Dolto. Éric Bu, dans ce texte jubilatoire, retrace le parcours de Françoise dès l’enfance cherchant à retrouver la trace et le cheminement de son engagement pour l’éducation. Une intelligence hors-norme et précoce, une mère psycho-rigide à souhait, une famille nombreuse voici donc les ingrédients explosifs qui donnent à Françoise très tôt le gout de l’observation et de l’irrévérence. Grâce au trio d’acteurs émérites à savoir Sophie Forte, Christine Gagnepain et Stéphane Gilleta la plongée dans ces années 70 corsetées est absolument truculente, on s’amuse beaucoup dans cette enquête loufoque sur la naissance du concept Dolto. À noter que la scénographie et la mise en lumière sont également remarquables pour une forme courte dans les conditions d’un festival.

Porn for the blind 
Victorien Robert est l’auteur et le metteur en scène de cette capsule pour le moins originale. Il y est question de romantisme et de quête du prince charmant mais sur fond d’industrie de l’audiodescription du cinéma pornographique pour aveugles. La narration est parfaitement maîtrisée, l’écriture est affûtée, laissant filer une intrigue trépidante et pour le moins hilarante. Trois acteurs se partagent quelques personnages haut en couleurs avec brio, Victorien Robert excelle en effet lorsqu’il s’agit de publicité graveleuse, Patrick Blandin est lui tout aussi jubilatoire en roi du porno pour aveugles. Mais il nous faut reconnaître que cette capsule révèle avant tout une comédienne exceptionnelle. Lison Pennec incarne l’amoureuse Éva avec tellement de fraîcheur et de passion qu’elle nous a littéralement aveuglé. Gageons que cette capsule se transformera sous peu en une forme plus longue tant cette version donne envie de prolonger le plaisir, un plaisir pas du tout coupable.

La métamorphose des cigognes
Le coup de coeur du festival ! « La métamorphose des cigognes » est un seul-en-scène parfait tant sur la forme que sur le fond au service d’un histoire en apparence simple mais étonnante, l’histoire d’un homme face à l’épreuve du prélèvement de sperme. Dans un processus de fécondation in vitro avec sa femme Isabelle, Marc doit  en effet apporter sa contribution et tandis qu’il est là dans ce petit cabinet médical face à un gobelet vide il se pose évidemment beaucoup de questions existentielles. Ce solo brillant écrit et interprété par Marc Arnaud est un petit bijou, chaque réplique fait mouche tant le travail sur le texte est abouti. Force est de constater que la qualité de l’interprétation y est également pour beaucoup, Marc Arnaud gère avec précision le tempo, il dessine des personnages rocambolesques par de simples changements de voix, et se joue avec maestria du quatrième mur. Un spectacle à découvrir d’urgence aux capsules et probablement très bientôt dans un format plus long.

Le destin se moque des choix
Un duo de femmes au plateau. Carine Ribert et Lily Rubens interprètent avec fougue ce très beau texte signé Fabrice Tosoni, une trame narrative complexe qui enchevêtrent le destin de ces deux femmes, leur trajectoire communément liée par un drame. Tandis qu’elles attendent toutes les deux dans la salle dédiée aux familles de l’hôpital d’Annecy nous revivions avec elles le chemin sinueux qui les a conduit là, à cet instant précis. Fabrice Tosoni nous offre un texte particulièrement dense pour le festival, un récit qui s’apparente à un roman trépidant où l’on découvre au fur et à mesure les liens qui unissent les personnages. Haletante et bouleversante la pièce s’appuie sur des ressorts narratifs efficaces et l’interprétation au cordeau des deux comédiennes à fleur de peau pour une capsule des plus émouvantes.

Audrey Jean

Festival Mises en capsules
Jusqu’au 8 Juin au Théâtre Lepic

Toute la programmation sur :

http://www.misesencapsules.com

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