Jean-Louis MARTINELLI présente au théâtre des Amandiers Calme, sa quatrième mise en scène de l’auteur suédois Lars Norén. Inspiré par  Long voyage du jour à la nuit d’Eugène O’Neill, Norén a écrit cette pièce en 1984 alors qu’il était en analyse. Elle constitue la pièce la plus autobiographique qu’il n’ait jamais écrite. Un spectacle assez dur, les relations entre les personnes de ce clan sont difficiles, néanmoins par moments surgissent des moments d’amour et d’humour qui permettent de mieux saisir aussi ce qui les unit. La musique, qui a un rôle assez important dans la pièce, offre aux personnages l’éphémère possibilité d’extérioriser leurs sentiments. Un très beau moment de théâtre.

 
Dans le décor très réaliste de la salle de restaurant de l’« Hôtel Standard » tenu par le père (Jean-Pierre Darroussin), nous sommes plongés au cœur d’une tragédie familiale : la mère apprend qu’il lui reste à peine quelques mois à vivre ; le père, alcoolique, endetté, est démuni, perdu et ne peut surmonter cette idée. Leurs deux fils sont en permanente rivalité. Chacun voudrait partir mais ne sait pas comment rompre avec cette famille qui l’étouffe et le suit. La mère (Christiane Millet) souhaite que sa famille soit unie pour le temps qu’il lui reste à vivre, mais n’a plus la force de se battre et de tout porter à bout de bras comme elle semble l’avoir fait depuis longtemps.
 
Chacun reproche à l’autre son manque d’amour, son manque d’attention, sa solitude, ce qui rend leurs échanges souvent violents. On veut détruire l’autre qui ne sait pas répondre à cette demande d’amour. Ainsi le père avec son fils aîné (Nicolas Pirson), où ce dernier lui fait sans cesse remarquer son incompétence en tant qu’homme et hôtelier, sa lâcheté, tout en lui démontrant sa préférence pour le petit frère et sa nullité en tant que mari. Le benjamin, John (Alban Guyon), revient de Stockholm où il a séjourné quelques temps en hôpital psychiatrique. Ecrivain, jeune homme cultivé, il détonne au milieu de sa famille qui n’appartient pas à son univers, malgré ses tentatives pour s’y intéresser. Ce personnage, qui est une sorte de double de Lars Norén lui-même à 25 ans, observe les membres de sa famille au cours de petits apartés souvent poétiques, rappelant Louis dans Juste la fin du monde que Lagarce écrira plus tard. John porte en lui un mal-être profond, une sorte de cri d’amour désespéré. Il souffre de la froideur de sa mère et la repousse quand elle fait un pas vers lui.
 
Calme

La seconde partie de la pièce est véritablement l’attente de l’explosion familiale, l’attente du moment pour aller se coucher, l’attente de la mort de la mère qui devrait mettre fin à ce foyer. Au cours de ces deux jours on n’a vu la chute de l’espoir d’avoir une famille « normale » si cela existe. On attend que Martha (Delphine Chuillot), la bonne, tourne les talons pour réaliser que l’hôtel n’est vraiment plus rien. Tout est plus épuré dans cette seconde partie, la plupart du décor a disparu pour laisser place à une sorte de nuit, où ne reste quasiment que l’enseigne de l’hôtel. On attend la séparation dans ce lieu devenu désert, tel un no man’s land renvoyant à Fin de partie de Beckett. Les propos et les situations sont plus urgents, plus durs, mais aussi plus drôles et plus poétiques dans les confidences.
 
Dirigés avec justesse et sobriété, on ressent toutes les failles et l’humanité de ces personnages, qui ne réclament qu’amour et attention des autres membres du foyer, sans parvenir à l’exprimer autrement que par une forme de violence. On est totalement impliqué et touché par cette famille, mise à nue avec toutes ses névroses comme le fait Norén dans d’autres textes. Une pièce intense.
 
Anna YORKA
 
Calme, adaptation et mise en scène Jean-Louis MARTINELLI d’après la traduction de Camilla Bouchet. Texte publié à l’Arche éditeur.
Du 18 janvier au 23 février, du mardi au samedi  à 20h et le dimanche à 15H30
Réservations : 01 46 14 70 00
Théâtre de Nanterre-Amandiers
7 avenue Pablo Picasso
92 000 Nanterre
Tarifs : 12 à 26€
Durée : 3h, entracte inclus.
Avec : Jean-Pierre Darroussin, Alban Guyon, Nicolas Pirson, Christiane Millet et Delphine Chuillot
 Scénographie : Gilles Taschet
Lumière : Jean-Marc Skatchko
Son : Jean-Damien Ratel
Costumes : Karine Vintache assistée de Séverine Lustière
Assistante à la mise en scène : Amélie Wendling
Photo : Pascal Victor
Le texte est paru chez L’Arche Editeur :
prix : 19 €
www.arche-editeur.com
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