D.A.F, Marquis de Sade, auteur décrié ou porté aux nues, n’a jamais laissé quiconque indifférent. Mis en scène par Nicolas Briançon (qui avait signé un excellent Volpone), ce texte inspiré de Pierre-Alain Leleu et joué actuellement au Ciné 13 théâtre nous offre une autre tonalité du célèbre écrivain. D.A.F (Donatien Alphonse François) Marquis de Sade nous révèle à travers le prisme de cette pièce de théâtre un aspect humaniste d’une part et peu conventionnel des règles de la société de son époque d’autre part. 

Embastillé après six années de prison à Vincennes, et gardé par Lossinote son geôlier, Sade se morfond dans sa cellule. Dénoncé par sa belle-mère pour mœurs outrageuses et entouré de ses souvenirs, il revisite sa mémoire, son époque avec distance, ironie et humour. Dénonçant l’hypocrisie de son temps, il revendique sa philosophie qui l’a porté au pilori. Réelle perversion ou provocation, ces arguments font mouche à tout coups sur ces « Bourgois » qu’il dénonce avec hargne. Revendiquant un esprit de caste, il n’hésite pas à tancer Lossinote qui représente tout ce qu’il n’est pas, un homme du peuple sans éducation. Entre mauvaise foi et vérité, il récrimine et accumule les contradictions d’un homme qui ne se prend pas au sérieux, ajoutant à la complexité du personnage.

 

Comment ne pas sombrer dans ses conditions ? En donnant corps à son double féminin. Cette présence féminine va lui servir d’exutoire à sa pensée. Une complétude qui le tient au milieu de ses fantasmes les plus fous. Peu importe son nom, Juliette ou Justine, elle  représente sa partie féminine qui peut apporter la clé de son génie.  Cette part d’inconscient qui nous échappe en permanence mais qui est toujours présente en nous. Son délire érotique est peut-être lié à cette recherche effrénée de son double.

 

 Nicolas Briançon s’est attaché à présenter un Marquis de Sade inédit. Une femme énigmatique et si familière à la fois. Une prison dont les barreaux lui rappellent ceux de la société de son temps. Si les échanges ont une coloration sexuelle, le fond du propos de cette pièce n’est pas occulté et donne toute la mesure d’une problématique humaniste et libertaire propre à son époque.

 Dany Verissimo réussit parfaitement cet équilibre difficile d’être à la fois proche et inaccessible. Elle recèle cette part de femme fatale qui hypnotise chaque homme frappé par sa propre complétude. Pierre-Alain Leleu joue à merveille D.A.F. et non le Sade qui nous connaissons. Jacques Brunet qui incarne ce coquin de Lossinote, joue un personnage simple mais extrêmement juste. L’apparition du Prêtre, incarné par Michel Dussurat, habillé en nonne, ajoute au délire et aux fantasmes de Sade.

A travers l’enfermement de cet homme, Pierre-Alain Leleu nous dévoile la face cachée d’un homme rongé par ses angoisses et sa solitude. Un spectacle rare intelligent et. A ne pas manquer !

 

Laurent Schteiner

 

D.A.F. Marquis de Sade de Pierre-Alain Leleu

Mise en scène de Nicolas Briançon

Avec Dany VERISSIMO, Pierre-Alain LELEU, Michel DUSSURAT et Jacques BRUNET

Décors : Bastien Forestier
Costumes : Michel Dussurat
Lumière : Gaëlle de Malglaive
Musique :  Julien Dauplais 

Ciné 13 Théâtre
1 Avenue Junot

75018 Paris

Locations : 01 42 54 15 12
Du mardi au samedi à 21h30

Le dimanche à 17h30
www.cine13-theatre.com

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