« Notre XXe siècle est celui de la peur »avait déclaré Albert Camus en 1946. En créant L’Etat de Siège dans le feu de la Libération, et dans le prolongement de son célèbre roman « La Peste », Camus signe là un réquisitoire cinglant du totalitarisme. Mise en scène de façon originale et efficace, Charlotte Rondelez nous gratifie, au théâtre des 3 Soleils en Avignon, d’une farce burlesque réussie qui ne dépare en rien le propos de Camus.

Au bord de mer où la vie est régie par un immobilisme politique de fait générant des sujets apathiques, un fléau s’abat brutalement sur une ville. Ce fléau, dénommé La Peste (un homme), est accompagné par sa secrétaire La Mort (une femme). Parmi les assiégés, Diego et Victoria, deux amants, tentent de vivre leur amour malgré les circonstances. La ville est comme tétanisée par cette peur et cette pluie de règlements comminatoires qui entraînent la privation des libertés individuelles. La Mort sur une simple inscription sur un carnet a le droit de vie ou de mort sur les habitants de cette ville. La Peste assied son pouvoir et contrôle la ville par la terreur. Diego trouvera par son seul courage le moyen (dérisoire) de faire reculer ce fléau.

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Cette parabole est menée sur un mode burlesque au son de Caravan Palace dans un rythme effréné créant ainsi un hiatus avec la gravité de l’histoire. Mais cette légèreté affichée renforce d’autant plus le cynisme de l’œuvre. D’entrée de jeu, les personnages déguisés en petites marionnettes renvoient les manifestations de crainte de la rue concernant cette plaie qui s’abat sur la ville. La Peste assène son programme avec force autorité : « reconnaissez votre souverain et apprenez la peur ! ». La dominer demeure alors l’arme suprême de Diego pour écarter cette peste et réveiller les consciences.

La mise en scène montre toute sa force en mêlant avec réussite la farce au propos tragique de la pièce. Les comédiens qui endossent plusieurs rôles sont tous excellents. Parmi eux, saluons Christelle Jacquaz (La Mort) dont l’interprétation alterne subtilement terreur et manipulation. Un bras armé qui découvre sa propre faiblesse par l’accoutumance des hommes à sa vindicte consacrant la puissance du Mal sur l’autel des bourreaux.

Malgré les années, cette pièce n’a pas pris une ride et demeure très actuelle. Ce qui est effrayant. Ce spectacle de qualité est, sans conteste, à ne pas manquer !

Laurent Schteiner

 

Vidéo interview de Charlotte Rondelez :
www.youtube.com/watch?v=tPvYyzl4nuE&list=UU1cg8OEiWEydFuGK1Rwq6gw

 
Etat de siège d’Albert Camus
Mise en scène de Charlotte Rondelez
Avec Simon Beauroi, Antoine Berry Roger, Claire Boyé, Paul Canel, Rémi Goutalier, Céline Esperin

  • Décor : Vincent léger
  • Création marionnettes : Juliette Prillard
  • Lumières : Jacques Puisais
  • crédit photo : Clémence Cardot

Théâtre des 3 soleils à 19h00
4 rue Buffon – Avignon
Location : 04 90 88 27 33
http://www.les3soleils.fr/programmeoff2015.php
 
 

 

 

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