Qui mieux que David Lescot pour saisir avec autant de justesse les turpitudes du passage à l’adolescence, et plus précisément cette angoisse abyssale qui saisit les enfants à l’aube du traditionnel jour de rentrée au collège ?  « J’ai trop peur » traduit avec un humour mordant cette phobie ancestrale de la mythique 6ème. À découvrir sans faute à l’Espace Pierre Cardin.

Dernier été avant la 6ème. Vacances à Quiberon en famille. Les mouettes, la mer et l’ennui. Tant de questions à poser pourtant, tant de doutes à gérer. À chaque jour qui passe un peu plus d’angoisse qui monte. Comment on s’habille ? Est-ce que c’est vrai qu’on se fait racketter ? Comment se retrouver dans les innombrables couloirs ? Il paraît que c’est aussi grand qu’une ville un collège. C’est pas grave… j’ai trop peur j’irai pas.

Trois âges se rencontrent et se font face dans ce texte. La petite enfance, ce lieu confortable, doux et chaud, le lieu de tous les possibles; L’adolescence, espace de rébellion, de questionnements mais aussi d’assurance folle voire d’arrogance et de prétention; Et un entre-deux. incertain. solitaire. différent. 10ans 1/2. Ni tout à fait un adolescent mais plus tellement un enfant. Chacun de ses âges est ici représenté par une forme de langage unique, comme si trois étrangers se rencontraient là sur ce plateau et ne parlant pas la même langue ils ne pouvaient absolument pas se comprendre. Évidemment ces dialogues de sourds donnent lieu à des situations hilarantes en particulier grâce au jeu brillant des trois actrices. Lyn Thibault est la petite soeur, énervante et rigolote, dont les mots sortent en rafales sous forme de gloubiboulga soufflé à l’helium. À l’autre extrême, Théodora Marcadé est Francis, l’adolescent caché sous des cheveux longs qui lui mange le visage, la voix grave d’avoir déjà muée, le langage recherché, arrogant se voulant adulte avant l’heure. Suzanne Aubert enfin parfaite dans le rôle du jeune garçon, cherche les bons mots à mettre sur sa peur, joue les gros durs mais s’endort paisiblement quand sa mère lui chante une berceuse. Les trois actrices s’emparent de ce texte jubilatoire avec beaucoup de subtilités, n’essayant jamais de singer l’enfance mais bien de la ressentir, de l’incarner.  La scénographie est elle aussi remarquable, un unique bloc de bois s’avère être un ensemble de trouvailles inventives, ici un bureau d’école, un lit, là des trappes d’ou sort par surprise la petite soeur agaçante. David Lescot saisit précisément cet état flottant, isolé, la difficulté de cette transition d’un âge à un autre et sa drôlerie aussi. Comme à son habitude il signe avec « J’ai trop peur » un spectacle remarquable alliant pédagogie et finesse, et surtout un texte dont la langue multiple parlera à tous les âges.

Audrey Jean

« J’ai trop peur » Texte et mise en scène de David Lescot

Avec en alternance Suzanne Aubert, Camille Bernon, Théodora Marcadé, Elise Marie, Caroline Menon-Bertheux, Camille Roy, Lyn Thibault, Marion Verstraeten

Espace Pierre Cardin / Théâtre de la Ville 

  • le samedi 24 mars 2018 – 15h00
  • le samedi 24 mars 2018 – 19h00
  • le dimanche 25 mars 2018 – 15h00
  • le mercredi 28 mars 2018 – 15h00
  • le jeudi 29 mars 2018 – 14h30
  • le vendredi 30 mars 2018 – 10h00
  • le samedi 31 mars 2018 – 15h00
  • le samedi 31 mars 2018 – 19h00
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