Geoffrey Lopez signe le texte et la mise en scène de « Jamais plus » actuellement programmé au Théâtre du Roi René à Paris, un spectacle exigeant qui retrace le parcours de Franz,un jeune allemand. L’histoire pourrait être celle d’un garçon ordinaire, mais nous ne sommes pas dans une période ordinaire; Franz est séduit par le mouvement des jeunesses hitlériennes avant d’en comprendre réellement toutes les abominations et se tourner vers le camp opposé. Antoine Fichaux incarne avec maestria ce jeune homme nous entraînant avec lui à réaliser un examen de conscience. À l’heure où de nouvelles formes d’endoctrinement voient le jour sous nos yeux impuissants, le spectacle nous supplie de nous interroger sans cesse sur ce qui est juste. Poignant.

« Ce n’est pas difficile de mourir. Il faut juste se laisser aller. Vivre demande plus d’exigence »

Franz a soif d’idéal, d’engagement, de sens, il bouillonne à l’intérieur de mille envies, de mille aspirations pour son pays l’Allemagne. Naïf, inconscient, idiot, difficile de dire quel trait de caractère caractériserait le mieux ce jeune Frantz à l’aube des années 1940 car sa première forme d’engagement politique ce sera avec les chemises brunes. C’est à leurs côtés qu’il trouve un temps la réponse à ses questions sur le monde, c’est en intégrant les jeunesse hitlériennes qu’il se sent alors vivant. Pourtant, la réalité du fascisme le rattrape et le fouette en plein visage, lorsque les nazis s’en prennent à son père. Il saisit avec une violence sidérante l’ampleur de son erreur dans les yeux de sa mère et trouvera alors sa rédemption en s’engageant de plus belle auprès des résistants de la rose blanche.

En premier lieu ce qui accroche ici fortement le spectateur c’est incontestablement la performance d’Antoine Fichaux. Le comédien fait preuve d’une précision redoutable, nuançant son jeu au fil de l’évolution de son personnage mais conservant de bout en bout une diction impeccable, une présence scénique puissante, ancrée profondément dans ce récit bouleversant. La partition est en effet délicate tant au niveau de l’émotion que de la forme. La langue de Geoffrey Lopez est soutenue, littéraire, et le monologue nous paraît ainsi tout droit sorti des pages d’un grand roman historique. Pourtant nul doute n’est permis, il s’agit bien de la réalité, la réalité pas si éloignée de ces pages noires de l’histoire allemande, et par extenso celles du monde tout entier. « Jamais plus » nous exhorte à nous révolter, à exercer en permanence notre esprit critique sur le monde qui nous entoure pour que jamais l’indicible ne se reproduise. Soulignons également le travail absolument remarquable autour des lumières, Filipe Gomes Almeida signe ici une création dont la beauté égale la sobriété, finalisant à la perfection le rendu particulièrement chiadé et pourtant simple du spectacle. Au terme d’une scénographie épurée, tandis que l’émotion nous serre la gorge de plus en plus, La grande histoire se mêle à la petite, elle épouse les contours sinueux du destin de Franz pour mieux nous encercler nous aussi, nous écraser de son poids incommensurable et nous donner l’envie irrépressible, immédiate de vivre plus fort.

Audrey Jean

« Jamais plus » Écrit et mis en scène par : Geoffrey Lopez.
Avec : Antoine Fichaux.
Musiques : Brice Vincent.
Productions : Claire Merviel Production et Les Mains du Marionnettiste

Jusqu’au 14 Avril au Théâtre du Roi René 
Jeudi, vendredi et samedi à 20h
Dimanche à 16h

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