Le Théâtre des Déchargeurs abrite actuellement un spectacle pudique et touchant, écrit et interprété par Juliette Blanche « Les escargots sans leur coquille font la grimace ». Secondée en plateau par son épatant acolyte Andy Cocq, la jeune femme à l’énergie débordante prend à bras le corps le problème de la construction identitaire et livre un témoignage bouleversant mis en lumière par un humour à toute épreuve. Un très joli moment à ne pas manquer !

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« Ce n’est pas une histoire qui se raconte au coin d’une rue ou qui se crie à n’importe qui. Il s’agit d’une histoire intime qu’on ne partageait volontiers qu’avec soi-même. Et pourtant c’est une histoire qui parle à tout le monde, qui traite un sujet profondément actuel. »

Un corps sec et athlétique, le nez un peu trop imposant, une coupe de cheveux trop courte imposée par sa mère un beau jour, un matin une petite phrase assassine, le doute de trop. C’est quoi une fille ? C’est quoi un garçon ? Autant d’interrogations intimes et délicates qui assaillent en rafales l’adolescence de Juliette, des questionnements douloureux qu’elle met en forme ici dans un spectacle hybride et fascinant. Le tourbillon de l’intime découverte de soi, la construction de l’identité, de la sexualité, la difficulté de trouver une place dans la structure familiale, dans le monde, tout, Juliette nous racontera tout. Un récit salvateur, histoire en dentelle d’un escargot qui se débarrasse enfin d’une coquille trop lourde à porter.

Charles Templon signe cette mise en scène au cordeau, ciselée et parfaitement équilibrée. Toutes les complexités de l’humain s’y entremêlent et se matérialisent sur le plateau des Déchargeurs avec en point d’orgue l’interprétation du comédien Andy Cocq. Il sera tour à tour tous les personnages de la vie de Juliette, tous genres confondus il cristallisera ses attentes, ses douleurs et prendra avec maestria les traits de sa mère, de son père, de sa sÅ“ur féminissime ou encore du professeur de danse. Un relais particulièrement judicieux qui permet une distanciation salutaire pour éviter l’écueil du pathos, l’occasion également d’ajouter à l’histoire une bonne dose d’humour. Quelle réussite, toutes les interventions du comédien sont simplement jubilatoires, mais sont aussi le témoin d’une écriture d’une grande finesse. Le rire ici est n’est jamais facile mais témoigne toujours d’une belle intelligence. A bien des niveaux pourtant le récit de Juliette nous touche car il résonne par sa modernité et son universalité. En miroir d’une société qui se questionne sur le genre le spectacle est avant tout appréciable par sa forme, inventive et foisonnante, multiple. La scénographie ne cesse de nous surprendre à grands renforts de trouvailles passionnantes mais sait aussi s’effacer par endroits et magnifier par sa sobriété le poids de la confession. Sur un fil, tendue derrière les rires, l’émotion nous saisit. Car chancelante et fragile la jolie Juliette grandit sous nos yeux en 1h10. Au terme d’une chanson bouleversante elle prend son envol, s’affranchit du regard parental et enfin explose, explose de beauté, de grâce, de fierté. Plus de coquille, Juliette est nue, prête.

Audrey Jean

« Les escargots sans leur coquille font la grimace »
Texte Juliette Blanche
Mise en scène Charles Templon assisté de Florian Jamey
Avec Juliette Blanche et Andu Cocq

Crédits photos Benjamin Colombel

Jusqu’au 20 Juin
Du jeudi au samedi à 21H30

Théâtre Les Déchargeurs
rue des déchargeurs 75001 Paris

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