Le TGP Saint-Denis met actuellement à l’honneur une pièce d’Elsa Granat, King Lear Syndrome ou les mal élevés. Cette pièce adaptée du Roi Lear de Shakespeare s’attache davantage au mythe qu’à la littéralité même du texte. L’écriture fouillée d’Elsa Granat verse son Å“uvre dans une contemporanéité glaçante, transposant l’histoire du roi Lear à notre époque.

Elsa Granat a métamorphosé le roi Lear en mélangeant les accents de la vie moderne au sublime texte de Shakespeare. Elle nous montre, une fois de plus, l’extraordinaire modernité du roi Lear par-delà les siècles. En orchestrant ce savant dosage entre le texte originel et la dramaturgie moderne, elle a su tirer profit de ce mythe devenu intemporel.

Le roi Lear, sentant la mort roder, souhaite diviser son royaume entre ses filles Goneril, Regane et Cordélia. La plus large part du royaume sera offerte à celle qui démontrera le mieux son amour paternel. Goneril et Regane usent de flagornerie afin d’être mieux servi. Cordélia, la cadette, fait montre de sincérité et de sobriété. Lear piqué dans son amour-propre déshérite Cordélia.

La transposition lumineuse de Elsa Granat présente un vieil homme récemment frappé par un AVC et souffrant de dégénérescence sénile. Ayant partagé ses biens avec ses filles, il erre désormais diminué dans leur sillage. Cette situation compliquée et difficile poussent les deux ainées à placer leur père dans un EHPAD. Se prenant pour King Lear, il affecte son entourage par une santé mentale chancelante. Elsa Granat appose un réalisme effrayant sur la situation des personnes âgées dans les EHPAD où la dignité est souvent mise à mal malgré la bonne volonté des personnels de ces établissements. Manque de moyens ou mauvaise formation, ces personnels, pas toujours adaptés, font ce qu’ils peuvent. Passant au crible la fin de vie de ces résidents, Elsa Granat nous livre un réquisitoire incisif sur ces établissements. Les anciens n’ont plus de place dans notre société totalement déshumanisée. Quelque peu marginalisés, ils vivent une décrépitude physique et mentale malgré les visites trop brèves de leurs proches.

Au-delà de cet état des lieux où la fin de vie apparait comme un phénomène complexe à appréhender par notre société, le syndrome du King Lear, présente la douleur des familles à placer leur proche, devenu vulnérable, dans un tel établissement. Si la vie moderne ne permet plus guère de s’occuper de nos proches comme par le passé, les enfants demeurent tenaillés par la culpabilité qui les ronge en permanence.

Entre farce et fiction, Lear ne veut pas mourir donnant foi à cette devise que la vie se doit d’être la plus forte. La mise en scène enlevée d’Elsa Granat ponctue, à bon escient, certaines scènes par des chansons pop où Neil Young ou encore Deep Purple nourrissent avec bonheur le propos du spectacle. Si cette farce peut paraitre grinçante, il n’en demeure pas moins qu’elle offre un plaidoyer empreint d’une humanité débordante et d’un amour inconditionnel pour son prochain.

Laurent Schteiner

King Lear Syndrome ou les mal élevés d’après le roi Lear de William Shakespeare
Adaptation et mise en scène d’Elsa Granat

avec Lucas Bonnifait (Le roi de France), Antony Cochin (le neurologue et Kent), Elsa Granat (Regane), Clara Guipont (Aide-soignante), Laurent Huon (King Lear), Bernadette Le Saché (Gloucester), Edith Proust (Cordélia) et Hélène Rencurel (Goneril)

et les amateurs en Alternance : Victor Albanese, Gisèle Antheaume, Zelka Aubel, Claude Bardy, Françoise Belkacem, Ghislaine Bréfort, Victoria Chabran, Sylvie Charlier, Suzanne Delalande, Hélène Jouffroy, Kheloudja Merbah, Christiane Porcher-Delaveaux, Suzanne Roux, Jean-Jacques Tordjman et Didier Tournès

  • Dramaturgie : Laure Grisinger
  • Scénographie : Suzanne Barbaud
  • Lumière : Lila Meynard
  • Son : John M. Warts
  • Recherche musicale : Anthony Cochein et Elsa Granat
  • Costumes : Marion Moinet
  • Assistanat aux costumes : Léa Deligne
  • Assistanat à la mise en scène : Jeanne Bred
  • Régie générale : Quentin Maudet
  • Régie plateau : Théo Chaptal et Adèle Collé
  • Régie Lumière : Richard Fischler
  • Régie Son : Sébastien Perron et Thomas Lascoux
  • Habillage : Catherine Caldray
  • Construction du décor : Suzanne Barbaud, Yohan Chemmoul Barthelemy – Atelier de l’Espace
    • Crédit photo : Simon Gosselin
  • Administration, production, diffusion : Agathe Perrault – La Kabane, SarahBaranes – La Kabane et Camille Bard

Théâtre Gérard Philippe
CDN de Saint-Denis
Direction Julie Deliquet
59 rue Jules Guesde
93200 Saint Denis

Résa : 01 48 13 70 00 et reservation@theatregerardphilipe.com

du lundi au vendredi à 19h30, samedi à 17h (relâche le mardi)

jusqu’au 4 février 2022

 

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