« La pluie ». C’est un instant délicat. Un temps suspendu. Un voyage fascinant dont on ressort bouleversé. Alexandre Haslé met en mouvement ses marionnettes aux visages marqués par l’histoire, de son corps entier il leur insuffle la vie et leur transmet avec lenteur les mots de Daniel Keene. Sur la petite scène du paradis, 15 ans après sa création « La pluie » reste terriblement d’actualité à l’heure où l’on érige de nouveaux murs.

Daniel Keene signe ici une courte pièce à la portée pourtant magistrale. Sur un fil tendu, l’on reconstitue ainsi la mémoire d’Hanna, celle à qui tant de gens ont confiés des objets, des souvenirs, des trésors avant d’embarquer dans un train sans billet retour.

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C’est une histoire pudique et essentielle. Avec une économie de mots Alexandre Haslé dessine en pointillés ce témoignage bouleversant. Évidement bouleversant puisqu’il parle de la Shoah mais tout autant par la qualité poétique des images qu’il nous transmet avec ses marionnettes. Le temps semble s’arrêter à chaque naissance d’un nouveau personnage comme s’il nous fallait vivre avec lui une forme de gestation, le temps nécessaire à lui transmettre sa charge émotionnelle et son lot de souvenirs lourds. Dans une chorégraphie millimétrée le comédien évolue ainsi de l’un à l’autre fidèle au précieux témoignage d’Hanna, rassemblant les pièces de son puzzle et livrant alors son engagement avec pudeur. Comme une gardienne de la mémoire collective du massacre Hanna archive des objets et des rencontres, des souvenirs et des hommes, pour que jamais ils ne disparaissent totalement. Un spectacle sobre et beau, puissant et fragile qui résonne avec force dans un monde en crise.

Audrey Jean

« La Pluie » de Daniel Keene 
Traduction de Severine Magois

Fabrication, mise en scene et jeu : Alexandre Haslé

Jusqu’au 26 Novembre 
Du mardi au samedi 19H

Théâtre du Lucernaire 

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