Frédéric et Mélanie Biessy redonnent vie à la Scala fermée depuis 1999 ! Rien de plus réjouissant que la perspective de découvrir un nouveau lieu culturel d’autant que la programmation pluridisciplinaire de cette première saison s’annonce absolument passionnante. Coup d’envoi avec Yoann Bourgeois, « Scala » jusqu’au 24 Octobre !

Du bleu. Partout. Au sol, sur les murs, dans la salle, sur la scène, la Scala est bleue, et ce bleu est signé par l’un des plus grands Richard Peduzzi le scénographe entre autres de Patrice Chéreau. L’impatience de découvrir ce nouveau lieu se lit sur les visages des spectateurs venus en nombre. Il faut dire que l’événement a de quoi trépigner, La Scala a en effet eu par le passé une vie pour le moins multiple et dissolue, music-hall, cinema d’art et d’essai puis pornographique, la salle a même appartenu à une église baptiste brésilienne. Conscients de l’originalité de son histoire, Frédéric et Mélanie Biessy ont voulu pour cette nouvelle Scala une programmation éclectique qui fait la part belle au théâtre bien sûr, mais aussi au cirque, aux arts visuels ainsi qu’à de nombreux musiciens. Un lieu pluriel et exigeant qui démarre la saison avec un artiste phare Yoann Bourgeois.

Le circassien nous propose donc « Scala » un spectacle conçu tout spécialement pour l’inauguration du lieu mais où l’on retrouve beaucoup de ses numéros emblématiques. En effet, au centre de cet espace bleu trône un escalier entouré des trampolines chers à Yoann Bourgeois, pour autant « Scala » se distingue par bien des aspects des précédents opus. Il y règne une forme d’étrangeté, de noirceur, les sublimes images revêtent ici une certaine mélancolie. Peut-être est-ce le bleu, peut-être est-ce ce numéro où les corps se désarticulent en même temps que le mobilier, ou alors c’est à cause de cet escalier que l’on ne finit jamais de monter mais il y a dans ce spectacle un désespoir magistralement beau. Comme à son habitude Yoann Bourgeois explore les limites des temporalités, cherche à repousser des principes élémentaires de la physique, il s’amuse de la machinerie, de la répétition, faisant surgir ou tomber ça et là des objets du quotidien, faisant disparaître et réapparaître à l’envie les corps élastiques de ses interprètes. C’est simple et magique, c’est drôle et poétique. Il y a de la gravité, de l’humour, de la légèreté, tout ça sans mots ou avec si peu, on entend parfois le souffle des artistes, on pourrait presque sentir leurs mouvements. Ils font d’ailleurs preuve d’une précision magistrale ces artistes dans cette chorégraphie jubilatoire, chacun faisant partie intégrante de cette réaction en chaine énigmatique. Ceux qui connaissent bien l’univers du circassien ne seront pas surpris mais follement séduits par « Scala » qui comporte plus de mystère que la dernière création de Yoann Bourgeois au Panthéon par exemple. Le spectacle est en effet portée par une nouvelle mélodie, un air étrange et entêtant, une sensation prégnante qui évoque un mécanisme qui s’enraye, un rêve qui se teinte de frayeur.
Du bleu à perte de vue et la beauté infinie de ces corps en suspens. L’aventure démarre donc avec maestria, souhaitons longue vie à la Scala.

Audrey Jean

« Scala » Conception et mise en scène de Yoann Bourgeois 

Avec Mehdi Baki, Damien Droin, Valérie Doucet, Nicolas Fayol, Emilien Jeanneteau, Florence Peyrard et Lucas Struna

Jusqu’au 24 Octobre à la Scala 

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