Le Théâtre de l’Odéon nous gratifie de la reprise de « La Réunification des deux Corées » création emblématique de Joël Pommerat à l’affiche des Ateliers Berthier jusqu’au 31 Janvier 2015 . Cette variation envoûtante sur le couple se distingue par un dispositif scénographique impressionnant qui immerge immédiatement le spectateur au cœur du système Pommerat. A ne pas manquer !

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« L’amour en fait ça ne suffit pas. »

L’écriture de Joël Pommerat se caractérise par son ancrage dans des problématiques contemporaines et très concrètes. Après la structure familiale, ou encore le monde du travail c’est ici le couple en tant que système qui est passé au microscope. En une vingtaine de fragments Joël Pommerat dissèque avec précision les états de l’amour, composant avec brio une fresque tragi-comique d’une densité passionnante. « La Réunification des deux Corées » est constitué de courtes scènes illustrant tour à tour thèse et anti-thèse d’une autopsie en bonne et due forme de l’amour. Certes cette forme en saynètes perd quelque peu le crescendo dramatique, ce texte n’est pas le plus chargé de Joël Pommerat mais le dispositif scénique est quand à lui extrêmement puissant et maintient le spectateur en haleine de bout en bout. A l’inverse de la structure circulaire utilsée pour « Ma chambre froide » par exemple, le très beau volume de la salle des Ateliers Berthier est ici fracturé en 2 espaces, les gradins de chaque côté libérant un unique couloir de jeu sur toute la longueur de la pièce. Le metteur en scène dessine ainsi des perspectives scéniques nouvelles, cette voie fuselée, ce long couloir sombre où les personnages paradent ressemble à s’y méprendre à une arène inquiétante. Ce défilé nous en sommes les spectateurs, des juges froids, à distance qui assistent implacables à la décomposition de l’entité Couple. La dissection du couple sera désabusée, auréolée d’une mélancolie pessimiste. Elle n’en est pas moins truculente par endroits, furieusement drôle même parfois par l’absurdité des situations dans lesquelles le sentiment amoureux peut nous plonger.
Le théâtre de Pommerat bien sûr est avant tout vecteur de sensations, porteur d’images sublimes et persistantes à l’instar des apparitions fantasmagoriques de ce chanteur androgyne à paillettes, sorte de David Bowie désenchanté. En combinant avec maestria ses éléments de scénographie de prédilection le metteur en scène installe comme à son habitude une atmosphère teintée d’étrangeté. Son esthétique mêlant les gris et les noirs sublime les lignes de fuite mises en lumière par cet espace bi-frontal, la création sonore contribue également avec force à la richesse de cet univers. La technicité des changements de décors est là encore à saluer, la forme séquencée est résolument maitrisée à la perfection par la Compagnie Louis Brouillard. Chaque noir est en effet exploité en quelques secondes pour donner vie au fragment suivant. Enfin nous nous en doutions pour les avoir souvent plébiscités, les comédiens excellent dans cette partition sur mesure délivrant avec une intensité constante la parole de Pommerat pour un rendu hypnotisant. Une superbe occasion de découvrir ou redécouvrir l’univers de ce créateur incontournable ! 

Audrey Jean

« La Réunification des deux Corées » une création de Joël Pommerat

Avec Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Yannick Choirat, Philippe Frécon, Ruth Olaizola, Marie Piemontese, Anne Rotger, David Sighicelli, Maxime Tshibangu

scénographie et lumière : Éric Soyer
costumes : Isabelle Deffin
son : François Leymarie, Grégoire Leymarie
musique originale : Antonin Leymarie
vidéo : Renaud Rubiano

Jusqu’au 31 Janvier 2015

Ateliers Berthier

1 rue André Suarès / 14 boulevard Berthier
75017 Paris

Odéon – Théâtre de L’Europe 

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