Camille de Sablet a réalisé une véritable performance, ce 12 mars à Confluences, en interprétant de façon étonnante le personnage complexe de Sebastian Bosse qui perpétrait le 20 novembre 2006 dans son ancien lycée en Allemagne un massacre d’anciens camarades et de professeurs. La mise en scène d’Alexandre Zeff est magistrale. Elle nous conduit dans les abimes de la folie meurtrière de ce tueur assis sur le ciment d’un populisme dévoyé. Ce spectacle est un pur électrochoc qui explore les faiblesses de nos démocraties face aux dérives sociétales créant parfois une engeance monstrueuse.

 Ce fait divers rappelle de façon troublante le massacre commis par Anders Breivik en 2012 en Norvège. La mise en scène d’Alexandre Zeff très stylisée crée un impact énorme sur les esprits. A la mesure du dysfonctionnement d’un système créant ses propres scories.

Une ampoule de faible intensité suspendue par un fil se balance éclairant le personnage et le public alors que résonne la voix du tueur. De ses humiliations et de ses vexations, tous les sentiments de frustrations nous sont assénés comme des coups de poing. Une aire remplie d’eau dont le fond rouge marque l’empreinte meurtrière du tueur. Une eau que le personnage s’asperge dans des bouffées délirantes qui le saisissent. Il décrit la société comme un espace oppressant ne permettant pas l’expression de la liberté. La vie étant si éphémère. Il inscrit d’ailleurs ce postulat à la craie sur un tableau « rien n’est éternel, tout passe sauf les anges » à la lueur de feux de Bengale qui s’éteignent nous laissant dans le noir.

Camille

Si tout est inutile et sans issue, à quoi bon exister. Son rapprochement avec l’extrême droite est pour lui logique et attractif. Le bouc émissaire est là sous ses yeux. Le lycée, où la pensée unique est développée, forge tout le système. C’est là qu’il faut frapper mais ne pas reproduire les erreurs de Colombine. D’où l’énumération de « trucs à faire » dans une logique froide et calculée du massacre.

Sa rhétorique glaçante l’emporte dans un tourbillon de folie qui le dévore. La scène extatique de ce tueur baigné dans une douche de lumière nous hypnotise par l’effroi de ses vociférations. Une prolixité, qui déforme le visage même de ce personnage inquiétant, au son d’une musique couvrant peu à peu ses propos. On ne peut sortir indemne d’un tel spectacle tant les questions se pressent et demeurent sans réponse. Cette œuvre forte de Lars Noren était servie, ce 12 mars, par une comédienne exceptionnelle avec qui nous devrons désormais compter !

 

Laurent Schteiner

 

Le 20 novembre de Lars Noren

Mise en scène d’Alexandre Zeff

Avec Camille de Sablet

 

Création sonore : Tom Menilgaut
Création lumière: Sébastien Roman
Chargée de diffusion : Claire Dupont
Costumes: Sylvie Barras
Graphisme : Antonin Faure

Théâtre Confluences

Le texte de la pièce a été publié chez L’Arche Éditeur :

20 novembre

 
 
 
 
 
www.arche-editeur.com
 

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