Après « Les Femmes Savantes » La fabrique à théâtre nous propose une autre adaptation baroque d’une pièce cette fois plus méconnue de Molière « Les Fâcheux ». Au terme d’une mise en scène extrêmement codifiée la langue de Molière trouve ici toute son authenticité dans une atmosphère hors du temps à la lueur des bougies. Une expérience surprenante à vivre au Théâtre de l’épée de bois jusqu’au 1er Février ! 

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Texte relativement peu monté de nos jours « Les Fâcheux » fut pourtant l’une des pièces les plus jouées à la cour de Louis XIV. Le résumé en est assez simple : Eraste souhaite pouvoir courtiser le cÅ“ur de la belle Orphise en toute tranquillité. Mais à son  grand désarroi il en sera empêché toute la journée par le ballet incessant de fâcheux venus l’incommoder de leurs bavardages inutiles. 

Si l’intrigue est effectivement simpliste, la décision de monter ce texte en comédie-ballet permet de lui donner une certaine ampleur. On y trouve ainsi cet amour pour le mélange des disciplines et les prémices des grandes partitions de Molière, on y décèle  les ébauches de ses grands personnages à venir. La fabrique à théâtre confère en plus à l’ensemble une dimension supplémentaire en choisissant de l’ancrer dans le baroque à l’instar de ses précédentes créations. Visages fardés de blanc, costumes d’époque, gestuelle chorégraphiée, tout est réuni pour transporter le public dans une autre époque et lui permettre de vivre la représentation comme s’il était à la cour du roi lui-même. 

Attardons nous également sur ce qui fait l’originalité première de cette création : la langue et sa déclamation. Retrouvant le langage typique du théâtre d’antan Eraste et ses compagnons roulent les « r » et prononcent les « s » à la fin des mots, sans oublier une intonation chantante et des temps de silence disséminés avec précision dans le texte. Cette façon singulière de déclamer  est surprenante bien sur au premier abord pour nos oreilles contemporaines mais très vite le spectateur se laisse bercer par cette musicalité, ne souffrant finalement d’aucun problème de compréhension. 

Sur une musique de Beauchamp et Lully enfin les quelques scènes de ballet qui ponctuent le texte finissent d’illustrer les invasions de ces innombrables fâcheux qui auront empoisonné l’existence d’Eraste, chacun exécutant dans des tableaux sublimés par un clair-obscur envoûtant quelques pas de danse. Les comédiens, danseurs et musiciens maitrisent à la perfection les codes du genre, chaque geste est millimétré, chaque inflexion de voix est travaillée. Saluons tout de même la prestation de Bastien Ossart dans le rôle du valet hilarant à chacune de ses interventions. La fabrique à théâtre  ne pouvait en tous les cas trouver meilleur écrin que la Cartoucherie pour ce voyage dans le temps étonnant !

Audrey Jean

« Les Fâcheux » de Molière 

Mise en scène de Jean-Denis Monory 

texte et musique de ballets originaux

Avec : Malo de La Tullaye, Camille Metzger, Jean-Denis Monory, Bastien Ossart, Alex Sander Dos Santos, Gudrun Skamletz, Manuel de Grange, Vojtech Semerad, Jenifer Vera Martinez

Crédits photos : Katell Itani 

Jusqu’au 1er Février 

Du mercredi au samedi à 20H30

La Cartoucherie
Théâtre de l’épée de bois 

Route du champ de manœuvre
75012 Paris 

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