Lucilla Sebastiani incarne un personnage de femme bouleversant dans « L’Inattendu » de Fabrice Melquiot à l’affiche du Théâtre Douze jusqu’au 14 Décembre. Sublimé par la mise en scène poétique d’Arnaud Beunaiche, ce monologue poignant accompagne le combat d’une femme amoureuse, son besoin vital de s’affranchir d’une passion dévorante.

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« La vie c’est ce qui nous arrive quand on fait autre chose »

Dévastée par l’attente elle essaie pourtant Liane de faire autre chose, en vain. Depuis que son amant a disparu elle oscille dangereusement entre rancÅ“ur et désespoir. Reviendra-t-il ? Est-il mort, ou juste parti ? Dans les tréfonds de ce bayou imaginaire le danger est omniprésent et tout aurait pu arriver à cet homme noir amant d’une femme blanche. Mais pour Fabrice Melquiot le danger c’est le cÅ“ur aigri de Liane, déssèché d’avoir trop aimé. Sa douleur de femme terrassée par le manque résonne dans ce texte comme un déversement ininterrompu de fiel, un appel au secours derrière lequel on entend un fulgurant cri d’amour. En huit tableaux Liane va se relever peu à peu et tourner son visage vers le monde pour mieux se retrouver.

Fabrice Melquiot est bien sûr un auteur incontournable depuis plusieurs années et dans « L’inattendu » il distille comme à son habitude des instantanés de poésie pure. En toile de fond la Louisiane, la mystérieuse, la mythique. Ces bayous encrassés de violence et de racisme renferment aussi leur lot de mélancolie et de beauté. Dans cette atmosphère magique des flacons apparaissent chez Liane au petit matin, chacun d’eux abritant dans son parfum un souvenir d’amour. Comme si l’absent donnait les clefs à Liane pour retrouver le chemin de son âme, ses flacons l’accompagnent dans le deuil de cette histoire pour qu’elle puisse enfin devenir une nouvelle femme.

« Va voir le monde dehors…tu verras ta petite peine maigrelette tu l’oublieras »

Lucilla Sebastiani est incontestablement cette femme dans tous ces états, dans tous ces états d’âme. Elle libère progressivement la sublime langue de Melquiot s’inscrivant dans chaque étape de cette quête initiatique. Avec une telle interprète et une écriture aussi puissante Arnaud Beunaiche n’avait plus qu’à confectionner un écrin ouaté, un cocon aigre-doux pour abriter la transformation de son actrice. Ainsi la scénographie est sobre, les lumières chaudes et tamisées, les musiques teintées d’étrangeté. Au premier plan du plateau un arbre sec recueillera les flacons de verre poétiques, des urnes colorées et symboliques renfermant les souvenirs du couple. Cette création réalisée sur mesure par Stéphane Rivoal sied parfaitement à l’univers de la pièce et finalise avec force l’immersion au cÅ“ur de ce bayou envoûtant. 

Audrey Jean

« L’Inattendu » de Fabrice Melquiot

Mise en scène d’Arnaud Beunaiche
Avec Lucilla Sebastiani

Crédits photos : Yves et Lucile Mernier 

Jusqu’au 14 Décembre
Du mardi au samedi à 20H30
Dimanche à 15H30 

Théâtre Douze

6 avenue Maurice Ravel
75012 Paris 

 

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