Avec ce texte signé Marius Von Mayenburg Matthieu Roy nous livre une création coup de poing décrivant le parcours d’un adolescent en proie à une crise de mysticisme dévastatrice. Un spectacle qui immerge le spectateur au cÅ“ur même des dérives idéologiques sociétales mettant en lumière un texte provocant et incisif qui ne peut laisser indifférent. Le public parisien bénéficie d’une reprise exceptionnelle puisque le spectacle est programmé en miroir avec « Days of Nothing » le 12 Février au Théâtre Paris-Villette !

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Lycéen sans histoires Benjamin se plonge dans le lecture de la Bible et y trouve les réponses aux multiples questions qu’il se pose en tant qu’individu en construction. Petit à petit l’adolescent se radicalise de plus en plus, propageant ses croyances autour de lui et les utilisant pour mettre le système établi sans dessus dessous. Face à la lutte oppressante du jeune homme pour imposer ses idées les adultes autour de lui capitulent un à un comme asphyxiés par sa propagande. Seule résistante sa professeure de biologie reste debout face à lui tentant d’apporter un contre-discours basé sur la science mais l’adolescent gagne peu à peu du terrain dans cette bataille mystique.
Si le thème du christianisme est ici choisi, la problématique de la radicalisation de la pensée est bien entendu extensible à d’autres religions ou courants idéologiques. Le texte de Marius von Mayenbourg interroge ainsi le mécanisme même de la naissance de la violence comme moyen d’expression, faisant de « Martyr » une invitation à une réflexion universelle sur le fondement de la pensée extrémiste. Dénonçant par extension un système éducatif facilement mis à mal, la pièce du dramaturge allemand interroge la responsabilité de chacun et invite le spectateur à se questionner sur son positionnement propre.

La mise en scène de Matthieu Roy respecte totalement cette volonté de théâtre immersif en apportant un soin particulier à l’oralité dans la forme et dans la direction d’acteurs. Mettant en parallèle une parole concrète et des voix amplifiées le metteur en scène délimite un espace réaliste et empreint de mysticisme à la fois, un fondu où les limites de la fiction se brouillent à mesure que la spiritualité grandissante de Benjamin nous parvient. Car en effet c’est au terme d’une dramaturgie éclatée que l’auteur parvient à installer le mouvement progressif de la radicalisation de la pensée chez Benjamin. Le spectateur ressent ainsi la sensation d’une onde de choc qui s’est propagée sans à-coups, dans une fluidité terrifiante. Aucune unité de temps, les lieux se confondent, une seule certitude demeure : la violence est en marche et ne s’arrêtera pas. Par touches subtilement dosées la mise en scène distille pourtant des indicateurs précis du dysfonctionnement en cours notamment dans la direction d’acteurs. Les personnages sont caricaturés par moments comme pour mieux montrer les grincements dans les rouages implacables de la machine Benjamin. Mais la logique et la détermination de l’adolescent écraseront tout sur leur passage. Face à son interprétation unilatérale de la Bible les tentatives molles de son entourage ne suffiront pas à éradiquer sa certitude d’accomplir la mission de Dieu. Une esthétique soignée finalise l’ensemble, on reconnait bien là une influence de Pommerat dont Matthieu Roy a été l’assistant. Cet univers froid et épuré sied parfaitement à ce drame ordinaire, image angoissante et cynique d’une société malade désespérément en quête d’idéaux et d’icônes auxquels se raccrocher.

Audrey Jean

« Martyr » de Marius von Mayenburg
Mise en scène de Matthieu Roy

Avec Claire Aveline, Clément Bertani, Philippe Canales, Romain Chailloux, Carole Dalloul, Rodolphe Gentilhomme, François Martel et Joanna Silberstein

Le 12 Février à 21H 

Théâtre Paris Villette 

L’Arche est éditeur et agent du texte représenté

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