Le chef d’œuvre d’Ivan Alexandrovitch Gontcharov est actuellement à l’affiche du théâtre du Vieux-Colombier dans une belle mise en scène de Volodia Serre. Fondateur du roman réaliste russe, Gontcharov nous livre une vision de la l’ancienne société russe à la veille de la disparition du servage.  L’originalité de cette œuvre réside dans la mise en avant d’un antihéros, propriétaire terrien dont les caractéristiques essentielles sont désormais synonymes d’oisiveté et de paresse. Il ne fallait qu’un pas pour définir le terme d’ «oblomovisme » à cet état de fait.

 Allongé sur son canapé en robe de chambre, Oblomov passe ses journées à St Pétersbourg à ne rien faire. Il cultive avec méticulosité cette ardeur à ne rien faire au grand dam de son serviteur Zakhar. Porteur d’une lettre qui annonce le déménagement proche de son maître, il exhorte ce dernier à réagir. Mais pire est la réaction puisqu’elle plonge Oblomov dans une série de rêves où les souvenirs le disputent à la nostalgie de son enfance. Ces rêves ont trait plus particulièrement à son village natal Oblomovka. Sans doute recherche-t-il de manière obsédante ce moment de bonheur et de quiétude baigné par l’absence de difficulté. Mais bientôt son ami de toujours Andrei Stolz revient le voir et l’entraine à sortir de cette léthargie. Ne ménageant pas ses efforts, il lui enjoint de le retrouver à Paris. Ce faisant, il lui présente une amie Olga qui est chargée de veiller sur lui et le pousser à s’extirper de ce canapé afin de préparer son départ pour Paris. Emu par les chants d’Olga, Oblomov est totalement séduit par la grâce de la jeune femme et succombe à son charme. Il retrouve alors sa joie de vivre et sa croyance en la vie. Il dispose là d’une raison de vivre. Mais ces rêves, la crainte de délaisser cette part d’innocence liée à Oblomovka, lui feront perdre le véritable enjeu. Oblomov, ne pourra accepter un tel amour si fort et si beau. Ne se donnant pas le droit d’être heureux, il finira dans les limbes, celles-là mêmes auxquelles Andrei et Olga voulaient le soustraire.

oblomov

Olga : Mais y a-t-il une vie qui puisse être inutile.
Oblomov : Bien sûr, par exemple, la mienne.

Outre l’aspect historique indéniable, cette œuvre est touchante car elle dépeint la psychologie d’un homme-enfant qui n’a pas su grandir. Vivant dans les recoins de sa mémoire d’enfant, il vivote, se refusant à assumer ses responsabilités. Un instant, cet homme couché, redevient vivant et trouve une raison d’exister en aimant Olga. Cependant, son angoisse de grandir, d’avancer et l’angoisse d’imaginer perdre ses repères de l’enfance l’encourage à tout saborder.

Saluons l’ensemble des comédiens qui, durant 180 minutes, se livrent avec générosité sur scène avec une mention spéciale pour Guillaume Gallienne qui interprète avec subtilité, drôlerie et émotion cette magnifique œuvre.

 

Laurent Schteiner
 
Oblomov d’Ivan Alexandrovitch Gontcharov
Traduction André Markowicz
Adaptation et mise en scène de Volodia Serre
Avec Yves Gasc, Celine Samie, Guillaume Gallienne, Nicolas Lormeau, Marie-Sophie Ferdane et Sébastien Pouderoux

  • Collaboration artistique : Pamela Ravassard
  • Scénographie : Marc Lainé
  • Vidéo : Thomas Ratier
  • Costumes : Hanna Sjödin
  • Lumières : Kevin Briard
  • Réalisation sonore : Frederic Minière
  • Maquillages : Faustine-Léa Violleau
  • Assistante costumes : Camille Lamy

Comédie Française
Théâtre du Vieux Colombier
21 rue du vieux-Colombier
75006 Paris
Resa : 01 44 39 87 00 / 01
Du 7 mai au 9 juin 2013

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