C’est enfin la réouverture aux Plateaux Sauvages qui ont malheureusement enchaîné fermeture administrative et confinement, une réouverture ambitieuse et attendue avec la dernière création de Paul Desveaux, un spectacle protéiforme  autour de la vie et l’univers de l’emblématique photographe Diane Arbus. L’exercice est périlleux tant par son aspect biographique que par la rencontre de la dynamique de plateau au théâtre et l’espace temps latent de la photographie. Servie par une équipe d’interprètes remarquables et étonnants, notamment Anne Azoulay dans le rôle titre, la pièce donne à voir la sensibilité de l’artiste, son étrange rapport au monde, ses fulgurances et ses failles au gré d’instantanés scénographiés avec talent.

Il s’agit là pour Paul Desveaux du troisième volet d’un triptyque consacré à l’Amérique et Diane Arbus convoque avec elle tout l’imaginaire graphique du New York des années 60/70. À l’instar des précédents volets, toujours en collaboration avec Fabrice Melquiot à l’écriture et dédié aux univers de Pollock et Janis Joplin, l’aspect purement biographique est délaissé au profit d’un portrait plus subtil composé de sensations, de fragments impressionnistes colorés avec délicatesse par son rapport à ceux qui l’entourent. Sa mère, Allan son époux, ses amis, ses modèles, c’est au travers des relations et dialogues qu’elle entretient avec eux qu’on la découvre, éternelle insatisfaite, à fleur de peau, exigeante surtout dans son engagement à l’autre et à l’art. L’écriture poétique et sensorielle de Fabrice Melquiot se prête évidemment assez bien à cet exercice, en contrepoints, en touches légères, les fragments s’agglomèrent pour donner naissance à une mosaïque aux contours flottants. De cette forme originale on regrettera cependant par endroits un manque de densité, de chair dans le portrait, sentiment renforcée par la mise en scène épurée. Grâce à la présence vibrante d’Anne Azoulay  on se raccroche cependant très vite au regard fébrile de la photographe, un regard intense et pénétrant reproduit en direct par le biais de la projection des photographies de Christophe Raynaud de Lage, de magnifiques grands formats en noir et blanc. Son regard si unique sur les autres, elle qui n’a eu de cesse de remettre en question le sens du mot beauté, de s’attarder à mettre sous les projecteurs les différents, les transformés, les écorchés, les freaks, sera le fil rouge incandescent de ce récit polaroïd. À découvrir jusqu’au 9 Octobre aux Plateaux Sauvages.

Audrey Jean

Diane self-portrait
Texte : Fabrice Melquiot
Mise en scène et scénographie : Paul Desveaux


Musique : Vincent Artaud et Michael Felberbaum
Création lumière : Laurent Schneegans
Photographie : Christophe Raynaud de Lage
Avec : Anne Azoulay, Michael Felberbaum (guitariste), Catherine Ferran (sociétaire honoraire de la Comédie-Française), Paul Jeanson, Marie-Colette Newman et Jean-Luc Verna.

Aux Plateaux Sauvages jusqu’au 9 Octobre 

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