C’est en 1913, au moment où il achève son travail sur la trilogie d’Eschyle en traduisant Les Choëphores, que Paul Claudel rédige son Protée. Et c’est précisément cette œuvre que Philippe Adrien a choisi de mettre en scène. Une pièce parodique et désopilante qui révèle le génie de Claudel de nous offrir un tel cadeau.  

La scène se déroule juste après la fin de la guerre de Troie, sur l’île de Naxos où règne Protée, le dieu des métamorphoses. Le vieux Protée, qui collectionne sur son île tout ce qui tombe à la mer, a repêché la nymphe Brindosier et ses satyres  dans l’eau alors qu’ils traversaient, enivrés, la Méditerranée en compagnie de Dionysos. Protée les retient prisonniers sur son île où, par esprit de farce, il essaie de leur inculquer la morale et les condamne à ne boire que de l’eau et du lait concentré. Brindosier annonce à ses satyres leur prochaine délivrance. Ménélas, de retour de Troie, va débarquer sur Naxos après avoir essuyé une tempête. Brindosier compte utiliser la ruse pour s’enfuir grâce au navire de Ménélas. Ce dernier, un grand benêt fait une entrée tonitruante en injuriant les dieux qui ont malmené son navire. Il tient par la main Hélène qu’il ne veut plus lâcher. Brindosier l’aborde et essaie de lui faire croire que l’Hélène qu’il tient à la main est une fausse, et que la vraie se trouve sur Naxos dans les collections de Protée. En échange de la promesse de se faire embarquer en compagnie de ses frères les satyres, Brindosier enseigne au roi de Sparte le moyen d’obtenir de Protée tout ce qu’il faut pour réparer son navire. 

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Tel est l’argument qui préside à cette pièce complètement déjantée. Témoin en guise de prologue à cette pièce ce banquet qui réunit Protée qui s’endort, en compagnie notamment de Ménélas et de Brindosier sur fond de musique échappée de quelque film muet. Hélène recouverte d’un châle fait alors son entrée solennelle. Les protagonistes habillés de façon anachronique s’agitent alors de façon syncopée dans une rythmique rapide qui n’appartient qu’à ce genre de films. Puis la musique se ralentit de plus en plus rendant les mouvements des comédiens plus lents. Cet état d’esprit décalé présent en permanence dans cette pièce respecte à la lettre le texte de Claudel. Les trouvailles de mise en scène illustrent l’originalité de cette mise en scène au service d’un texte haut en couleurs qui est un vrai régal. Dans cette farce, les grands thèmes de Claudel sont respectés tels le silence, la nuit ou encore les doubles ou la mer. Tous les comédiens sont excellents avec une mention particulière pour Mathieu Marie et Eléonore Joncquez qui contribuent à placer cette bouffonnerie au Panthéon des farces lyriques de Claudel. Un nouveau spectacle à la Tempête à ne pas rater !

 

Laurent Schteiner

 

Protée de Paul Claudel

Mise en scène de Philippe Adrien

Avec Dominique Gras, Eleonore Joncquez, Mathieu Marie, Marie Micla et Jean-Jacques Moreau (en alternance avec Pierre-Alain Chapuis)

  • Décors et costumes : Elena Ant
  • Lumières : Pascal Sautet assité de Maëlle Payonne
  • Musique et son : Stéphanie Gibert et Ensemble Musiverre Jean-Claude Chapuis
  • Vidéo : Olivier Roser assisté de Michaël Bennoun
  • Maquillages : Sophie Niesseron
  • Crédit photo Antonia Bozzi

 

Théâtre de la Tempête
Cartoucherie, route du champ de manœuvre, 75012 Paris

Locations : 01 43 28 36 36
Jusqu’au 13 avril du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h

www.la-tempete.fr

 
 

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