Avec brio, Pio Marmaï incarne actuellement au TGP « Roberto Zucco » dans une mise en scène de Richard Brunel. Au sein d’une distribution remarquable le comédien livre une performance épatante sublimée par une scénographie aux dimensions multiples. Alors que Koltès est à l’honneur en ce moment avec déjà trois grands spectacles cette saison à Paris, Richard Brunel nous offre une nouvelle belle proposition à découvrir jusqu’au 20 février!

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« La Gamine : Je t’ai cherché, Roberto, je t’ai cherché, je t’ai trahi, j’ai pleuré, pleuré, au point que je suis devenue une toute petite île au milieu de la mer et que les dernières vagues sont en train de me noyer. J’ai souffert, tellement, que ma souffrance pourrait remplir les gouffres de la terre et déborder des volcans. Je veux rester avec toi, Roberto; je veux surveiller chaque battement de ton coeur, chaque souffle de ta poitrine; l’oreille collée contre toi j’entendrai le bruit des rouages de ton corps, je surveillerai ton corps comme un mécanicien surveille sa machine« 

Inspiré de l’histoire vraie d’un tueur en série « Roberto Zucco » s’avère être en réalité le récit de deux trajectoires croisées, celles de son anti-héros éponyme et de La Gamine. Après une rencontre aussi éphémère qu’intense les deux protagonistes se cherchent et se perdent à l’infini dans un tourbillon à l’issue tragique inéluctable.

Richard Brunel ancre son Zucco dans un espace multiple, mouvant, accentuant ainsi le vertige de la descente aux enfers du couple formé par Roberto et La Gamine. En toile de fond, une société de misère, d’aigreur, basée sur de petits trafics et la prostitution. Un monde perdu, glauque où l’amour fulgurant de La Gamine pour Zucco semble être une lueur d’espoir fugace,  aussitôt engloutie par le néant des existences. Grâce à une scénographie sur plusieurs plans les scènes s’enchainent dans un fondu remarquable et esthétique, révélant au fur et à mesure à quel point les interactions avec les autres façonnent progressivement le monstre. A chaque rencontre un cran de plus. Roberto Zucco est en effet à la croisée de plusieurs chemins, sans but, fragile et perdu dans ses névroses, mais également furieusement instinctif et profondément animal. Pio Marmaï se révèle ici un choix particulièrement judicieux, l’acteur plus connu pour ses rôles plus légers au cinéma s’avère maitriser à la perfection toute la complexité de la langue de Koltès. Il revient avec ce texte au théâtre, habitant le plateau d’une présence scénique magnétique, s’habillant avec nuances de toutes les facettes de Zucco. Face à lui, Noémie Develay-Ressiguier est lumineuse, engagée et fait preuve d’un charme redoutable. La suite de la distribution n’est cependant pas en reste, les comédiens dynamisent l’intrigue, chacun ayant à son actif plusieurs partitions à jouer. Pourtant entourés tour à tour d’une foule hagarde, de malfrats en sursis, d’une famille écrasante, de toute un monde enfin, Roberto Zucco et La Gamine irradient. Deux étoiles filantes, deux fuites en avant hypnotiques, deux failles béantes qui ne se combleront pas.

Audrey Jean

« Roberto Zucco » de Bernard-Marie Koltès
Mise en scène de Richard Brunel

Scénographie : Anouk Dell’Aiera

Avec : Axel Bogousslavsky, Noémie Develay-Ressiguier, Évelyne Didi, Nicolas Hénault, Valérie Larroque, Pio Marmaï, Babacar M’Baye Fall, Laurent Meininger, Luce Mouchel, Tibor Ockenfels, Lamya Regragui, Christian Scelles, Samira Sedira, Thibault Vinçon

Crédits photos Jean-Louis Fernandez

Jusqu’au 20 février
Du mardi au samedi à 20H
Dimanche à 15H30

TGP de St Denis

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