Ce voyage est entrepris par Jean-François Balmer qui interprète Ferdinand Bardamu de façon magistrale au Théâtre de l’œuvre. Avec pour seuls accessoires sur scène, une malle et quelques effets, Jean-François Balmer nous conte, à travers une adaptation de Nicolas Massadau, le roman phare de Céline.  C’est avec un ton qui sied à merveille à l’œuvre de Céline que Jean-François Balmer nous tient en haleine pendant tout ce spectacle de cet écrivain maudit.

 

Résumer l’histoire de ce spectacle relève de l’extravagance. On peut se dédouaner de la chose en soulignant l’épopée erratique de Bardamu qui de la guerre l’amène aux confins de l’Afrique, de l’Amérique et de la banlieue.  « Tout pour la nuit ! C’est ma devise. Il faut tout le temps songer à la nuit. » S’enfoncer dans la nuit, face à ses peurs les plus profondes, rester dans les profondeurs de la nuit, c’est ce combat qui lui est proposé afin de vivre. « La vraie inspiratrice, c’est la mort. Si vous ne mettez pas votre peau sur la table, vous n’avez rien ».  la lumière faible, les quelques lueurs entraperçues composent le manifeste de la vie. « La vie, c’est ça, un bout de lumière qui finit dans la nuit. » L’émotion est là, palpable à tous moments, balayant les idées et dominant le reste. Ce bout de la nuit recherché par Bardamu telle une fin en soi, à atteindre ou pas afin de trouver ce qui fait tant peur à l’homme, sa condition.

 

L’écriture de Céline stylisée autour de l’émotion déplace le verbe en créant des phrases dont le sens échappe au genre romanesque d’une certaine littérature. Plus que d’un style, C éline relève d’une profession de foi en déclarant que les grandes idées n’intéressent pas le lecteur. Pour lui Rabelais « a vraiment voulu une langue extraordinaire, et riche. Mais les autres, tous, ils l’ont émasculée, cette langue, jusqu’à la rendre toute plate. »  Son style qui s’apparente à une petite musique rappelle le parallèle fait avec un peintre dont le sujet (pomme, cruche…) n’a pour seule importance que la manière dont il est traité. Cependant Yves Pagès souligna que « cette gouaille et ses excès ont joué un rôle non négligeable pendant la guerre, allant jusqu’à servir de caution populacière aux vichystes bon teint avec un humour prêtant à ses appels au lynchage, un ton farcesque déculpabilisant. »

De ce voyage au bout de la nuit, Jean-François Balmer et Françoise Petit en tirent le meilleur pour arriver à créer un beau spectacle de ce chef d’œuvre de la littérature.

 

Laurent Schteiner

 

Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline

Mise en scène et scénographie de Françoise Petit
Adaptation de Nicolas Massodau

Avec Jean-François Balmer

 Images : Tristan Sébennes
Lumières : Nathalie Brun
Son : Thibault Hédouin

Théâtre de l’œuvre
55 rue de Clichy
75009 Paris
Locations : 01 44 53 88 88
www.theatredeloeuvre.fr
Du lundi au vendredi à 21h00, le samedi à 17h00 et le dimanche à 16h00
Jusqu’au 6 janvier 2013

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